Vîrus – Le choix dans la date

« La vengeance est l’une des grandes motivations du passage à l’acte. Sans doute parce que, comme le disait Etienne Pasquier, ‘ nul ne sait combien elle est douce, sinon celui qui a reçu l’injure’ ». Martin Monestier, Les enfants assassins  

« (…) Ma vengeance est perdue
S’il ignore en mourant que c’est moi qui le tue
Racine, Andromaque

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Trop brillant pour être suivi et compris d’absolument tout le monde. L’ombre de Desproges et du Franquin des Idées Noires planent sur Vîrus. A force de manier les jeux de mots valises explosifs comme un agent dormant du FLN, nulle autre destinée qu’une table d’autopsie n’était envisageable après la réunion des 3 EP’s sur un support physique oblitéré par le Rayon du Fond.

« Autopsie » : ‘Le voir de ses propres yeux’, valable pour un disque bande originale de la condition humaine, en noir et blanc et noir.

Loin de la génération du même nom, l’incision en Y offre un spectacle parfois peu plaisant. Sale. Inconvenant. Dérangeant. Tout se pèse, se soupèse, les viscères de famille livrent leurs secrets sur la table en inox et pourtant, la pudeur y est bien plus prégnante qu’on ne le croirait. Architecte d’un château des plus particuliers comme H.H Holmes, l’hôte des lieux plante le décor avec miroirs et meurtrières pour mieux observer puis établir que la pseudo-normalité des autres est finalement nettement plus inquiétante que la gamberge de la marge, ce vaste club de sociopathes mis à l’écart par l’Ordre, les Convenances, la Norme, souvent accusé de vouloir faire dévier le troupeau. Écouter et comprendre ce disque, c’est quelque part se retrouver dans les angoisses de Clarice Starling mises en ténèbres par le Dr Lecter.

Le mouton bêle et bêlera toutes les nuits de ta vie, autant l’accepter puisque tu as consenti à rejoindre le troupeau et d’assouvir ta curiosité, jusqu’à te retrouver sous le fil de la lame, à l’abattoir. La vraie autopsie n’est pas au début du film, c’est LE film. Il en va de même avec ce disque.

La laideur de ces visages reflétés sur les miroirs du château des meurtres, c’est bien là tout le tableau peint par Vîrus Raskolnikov. Travail, Famille, Patrie souillés par des fluides aussi nobles que la sueur, le sang, les larmes, la salive et le foutre se retrouvent le ventre à l’air, sous les projecteurs et passés à la loupe. Un curieux laborantin ganté de gris en équilibre sur un strapontin tente de répondre à des questions dont la réponse se résume en antagonismes gangrénés comme la liberté d’être et de faire, d’aller et venir, de vivre et mourir comme bon lui semble, seul ou entouré avec la peur du vide en point d’orgue, le vide et le silence d’une morgue où le patient est aussi le praticien, où la famille n’est pas conviée à une quelconque reconnaissance du corps, où les effets personnels sont restés à quai dans les maux-valises pour mieux faire comprendre que tout ça n’est plus un jeu à un tel stade. Le syndrome de Silverman conduit à la vengeance et le corps social n’est plus que l’objet de cette dernière, comme une obsession.

Le seul personnage habilité à rejoindre ce réduit ‘claustrophobique’ est Banane. Faiseur de beats. Embaumeur en chef. Qui redonne du relief, rhabille un corps maltraité pour mieux le mettre en valeur avec la confection d’un costume de tissus humains sur une partition faisant écho aux examens abdominaux, thoraciques et cérébraux précédents. Parfait thanatopracteur élément d’un binôme qui relie les points, lisse les cicatrices, suture les nombreux rejets de greffe. Mais faire partie d’un binôme implique une même ligne directrice, un dessein commun. S’il s’échine à tailler un costume de peau à la hauteur, c’est que Ba(na)ne montre le profil grand couturier du Buffalo Bill du Silence des Agneaux, transformant les lividités cadavériques d’un Vîrus – finalement plus vivant et humain que ceux qui montrent du doigt les nihilistes/défaitistes/terroristes ès dogme du Buena Vista Sociopathes Club – en plomb radioactif.

Femme, mari, père, mère, sœur, frère, amis, ennemis : plus rien ne compte, rien n’a vraiment d’ailleurs tellement compté, la solitude est un luxe lorsqu’elle est un choix et confère une valeur ajoutée à des moments simples de la vie, érigés comme norme, routine par le plus grand nombre.

Le choix dans la date, c’est ça, choisir la voie de délestage et quitter le monde au sens multitude du terme pour se retrouver soi-même, rebrousser chemin vers les trompes de Fallope, bien au chaud, entre poing dans la gueule et doigt dans la chatte.

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