Larve de paix

Au sortir d’un monde perdu, l’ancien aveugle voit toujours plus que le « bien-voyant » congénital. Lorsque vous allez tout perdre mais que finalement, il s‘avère que vous avez « simplement » failli tout perdre, le temps de votre enfer personnel passé durant cette parenthèse à réexaminer vos erreurs et vos absences, le temps perdu dans l’errance, le superflu, le superficiel, et bien, il sert de marchepieds vers la rééducation, vers une survie arrachée alors que votre pronostic vital était engagé. Loin de ce qui aurait vraiment du compter pour vous et dont la négligence a failli mener à votre perte. Un coma éveillé à refaire sa vie, à se promettre que si un jour on s’en sort, alors oui, plus rien ne sera jamais pareil.

Mort d’un ami, d’un parent, d’une moitié, d’un enfant. Rupture d’avec votre moitié, reniement de votre enfant ou d’un parent. Les déclinaisons sont multiples. Le déclic vient d’une grave fracture qui découpe votre vie, brise votre Echelle de Richter intérieure et fait que tout redémarre sous une nouvelle ère. Le temps de la guérison ressemble à l’étape de révélation d’une photographie dans une chambre-noire. Le temps de s’habituer à l’obscurité, de se voir agir, avant, puis demain. En plein-jour. Revenir à la vie. Au lavis, aurais-je dis un autre jour, justement.

La contemplation de ce monde considéré autrefois comme perdu et qui, en réalité, est éclairé par un vécu qui aime à effacer les clairs-obscurs pour ne retenir que la solarité de ce « nouveau-monde » sans pour autant tomber dans la niaiserie de « La Première Gorgée de bière… » de Philippe Delerm ou du pathétisme violent (et vice versa) de « C’est du lourd » de Malik. Un carpe diem parti du néant pour accomplir un road-movie contemplatif, le kaléidoscope pouvant donner un « L’Arme de Paix » dont la propension à la simplicité et à fendre l’armure de certains déstabilise pour différentes raisons.

Comprendre que l’on a failli mourir, même symboliquement, et que l’essentiel est finalement ailleurs. Loin des sentiers empruntés autrefois, loin des apparences, mais simplement sous nos yeux, juste-là, dans la beauté d’un quotidien où rien ni personne ne déraille, sans pour autant se pamer devant le JT de 13h de Pernaut. Juste là.
Naïveté ? Candeur ? Passé un certain nombre de kilomètres au compteur, enfoncé dans un mal-être orthonormé, devenu quotidien et accepté comme tel, la simple appréciation de la simplicité fait sérieusement baisser la chaudière chez Ibliss. Qui plus est, le bout du tunnel (la mort, quoi), vision souvent inenvisageable pendant l’adolescence, se dandine déjà cruellement avec des dessous affriolants sitôt passée votre trentaine, selon le cliché classique. Sitôt une paternité assumée avec l’envie de ne plus perdre de temps mais de transformer ce dernier en or, quitte à semer ceux qui semblaient autrefois vous suivre mais qui, s’ils ne comprennent (toujours) pas (toujours) [rayer la mention inutile], ne voulaient en réalité que vous freiner avec eux…

Quelques autres vrais points de vue sur l’album « L’Arme de Paix » d’Oxmo Puccino :

http://www.abcdrduson.com/chroniques/chronique-816-oxmo-puccino-l-arme-de-paix-.html

http://aircoba.wordpress.com/2009/04/27/chronique-oxmo-puccino-larme-de-paix

http://quadratureducercle.wordpress.com/2009/04/13/oxmo-puccino-larme-de-paix/

13 réflexions sur “Larve de paix

  1. C’est bien ce que je ressens à l’écoute de ce disque et c’est pas (forcément) ce que j’ai envie de ressentir à l’écoute de mon gros griot urbain malien d’amour.
    Peut-être aussi parce que j’hésite entre prendre ce tournant dont tu parles et continuer à être de ceux qui traînent et freinent ceux qui veulent l’emprunter.
    Bref, alambic 4 eva.

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  2. C’est complexe. Mais plus ça va, plus je me dit que ça va beaucoup + loin que la musique, « tout ça ».

    Et les réactions épidermiques de certains sont assez intéressantes, pour peu que ça soit un minimum développé. En tout cas, son skeud me parle à mort, j’ai pas eu besoin de 25 écoutes et qu’on m’explique ceci, cela, etc… C’est une évidence. Tout comme le 0.9 de Booba d’ailleurs, j’ai eu exactement la même lecture qu’Anthokadi (et Alchi à l’époque de la sortie sur le forum de l’Abcdr ou Bax sur TD) et ça change quand même radicalement l’écoute du truc.

    Dommage pour ceux qui passent à côté.

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  3. De mon côté, peut-être que je passe à côté, mais je continue à trouver cet album chichiteux. Et l’éloge de Télérama m’a plutôt conforté dans cette idée.

    Justement, en parlant de Oxmo et de Télérama, il a l’air de dire dans le dernier numéro qu’il s’attaque au roman: « A présent, j’essaie de me diversifier, d’écrire sous d’autres formes, comme le roman, mais je ne sais pas si ça durera. »

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  4. J’ai pas trop le temps de développer là mais comme je le disais à Aircoba, ton billet et nos deux chroniques sont typiquement le reflet de ce qu’on peut avoir tendance à oublier : la musique, c’est quelque chose de super subjectif. Ca renvoie à des expériences vécues ou fantasmées, à des sentiments que l’on a ou pas, à un contexte précis…Et là on parle en plus d’un artiste avec qui on a « grandi », avec qui on a forcément construit un rapport un peu personnel…Du coup, obligé de l’appréhender de différentes manières.

    Tout ça pour dire que, même si on n’a pas pris l’album de la même manière, j’aime ton billet qui, et ça peut paraître étonnant, me donne de l’espoir ( oui oui). Aircoba comprendra, j’en suis sûr :)

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  5. Ah mais j’aimerais bien comprendre moi aussi, tiens. Je peux être que forcément d’accord avec toi. Et je me demande comment j’aurais pu aborder ce disque s’il était sorti y’a 10 ans. Moins 10 ans pour Oxmo, et moins dix pour moi. J’ai pas de réponse.

    M’ssieu Quadrature : l’avis de Télérama, je m’en branle pas mal je dois avouer. Tu dois savoir comment sont attribuées / torchées les chroniques dans ce genre de canard, je donne absolument aucune importance à « gens-là ». J’en donne bien plus à des mecs qui ont rien à vendre et qui font un effort un tant soit peu intellectuel pour raconter, expliquer, rabrouer, etc… Beaucoup + honorable, tout ça. Pour son ambition de s’attaquer au roman, on a parlé de ça à notre échelle, entre nerds bloggers, sur l’abcdr, à l’époque où j’avais créé un topic sur le processus d’écriture. Topic qui a depuis été effacé. Je pense que je vais le ressusciter ici-même, tiens.

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  6. Je vais faire dans la simplicité, mais j’aime beaucoup ton billet Somno (et v’la le titre bien nickel).
    C’est assez marrant de lire les 4 différents chroniques / articles à la suite… 4 facettes au final assez différentes (même si certaines se rejoignent sur certains points).

    Et je viens de découvrir qu’il y avait un clip de « 365 jours », je vais aller matter ça.

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  7. Juste un petit salut pour te dire aussi que je continue à te lire et à apprécier ton écriture et tes avis…

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  8. Je te rassure, j’accorde pas une très grande importance à l’avis de télérama. C’était d’ailleurs un peu le sens de mon message.

    Sinon, oui, le clip est très beau.

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  9. « Sitôt une paternité assumée avec l’envie de ne plus perdre de temps mais de transformer ce dernier en or, quitte à semer ceux qui semblaient autrefois vous suivre mais qui, s’ils ne comprennent (toujours) pas (toujours) [rayer la mention inutile], ne voulaient en réalité que vous freiner avec eux… »…. je ne vois aucune mention à rayer: les deux ont hélas leur importance !!!
    ton article résonne comme un écho… je m’y croirais… à moins que j’y sois déjà!
    Et encore un blog à suivre…

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  10. Hey, tu fais plaisir toi aussi, pfiou… Merci hein.
    Vous allez m’encourager à continuer plus longtemps que prévu, faites gaffe.

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